CHAPITRE XVIII

Corran se réveilla en sursaut. L’air glacial lui apprit qu’il faisait toujours nuit. Le brouillard qui pénétrait par la fenêtre de la petite maison semblait amplifier le silence. Il n’avait pas été réveillé par un bruit ou une lumière. Pourtant, quelque chose n’allait pas.

Il jeta un coup d’œil à la couchette d’Ooryl. Elle était vide, ce qui ne le surprit pas. Les Gands avaient besoin de moins de sommeil que les humains, En plus, ils avaient la faculté de le « stocker ». Corran aurait aimé en savoir davantage, mais Ooryl n’était pas bavard sur les détails physiologiques de son espèce.

Corran réalisa que son sentiment de malaise ne se focalisait pas sur Ooryl, mais persistait tout de même. Ce n’était pas la première fois. Enfant, il avait parlé de ses « pressentiments » à son père, qui lui avait conseillé de leur prêter attention.

Horn ouvrit son sac de couchage et frissonna dans le froid nocturne. Il passa sa combinaison de vol et ses bottes et se dirigea à pas de loup vers la porte.

 

Corran s’accroupit dans les ombres, à l’entrée de la maisonnette. Son blaster et le reste de son équipement étaient rangés au centre de vol de Talasea.

La petite bâtisse ne payait pas de mine : pas de porte, pas de vitres aux fenêtres, un toit à demi écroulé. Difficile d’imaginer des pilotes vivant dans un tel lieu. Ooryl et Corran n’avaient pas eu le choix : le mur de leur chambre, dans l’aile des pilotes du centre de vol, avait été démoli par un ouragan.

Un bruit de bottes pataugeant dans la boue fit comprendre à Corran qu’il y avait quelqu’un dehors. Levant les yeux, il vit la gueule d’une carabine-blaster passer l’entrée, puis il aperçut une jambe portant l’armure gris ardoise des commandos impériaux.

Le Corellien bondit sur le commando. Il lui arracha son blaster, le pointa sur le menton de l’homme et appuya sur la gâchette.

Celui qui règle son blaster sur la puissance mortelle en est souvent la première victime, pensa Corran. Il jeta le blaster sur le sol à côté de la carabine-blaster, puis déboucla la cartouchière du soldat. Il y avait des chargeurs de rechange et un certain nombre de charges explosives.

Il a dû avoir le temps d’en poser pas mal.

Un bruit le fit se retourner. Un commando venait d’entrer. Corran lança une main vers le blaster, sachant qu’il ne l’attraperait pas à temps.

Puis il remarqua que les mains du commando étaient vides.

Et que ses pieds pendaient à cinq centimètres du sol…

Ooryl lâcha le corps du soldat impérial.

— Ooryl s’excuse de t’avoir laissé sans protection. Ooryl était dehors quand les intrus sont arrivés.

— Combien ?

— Deux de moins. Ooryl en a vu quatre autres dans le périmètre.

— Les sentinelles ?

— Disparues.

— Ça ne présage rien de bon. Les commandos agissent par équipe de neuf. Il doit y en avoir deux douzaines en comptant l’équipage de leur vaisseau.

Corran boucla la cartouchière autour de sa taille. Il remarqua qu’Ooryl s’était aussi approprié les armes du commando.

— Il est mort ?

Le Gand hocha la tête et fit rouler le soldat sur le ventre. Son casque avait un trou à l’arrière.

Un trou d’une forme particulière.

— Tu ne t’es pas abîmé la main ? demanda Corran.

Ooryl ferma ses trois doigts puissants pour former un poing dont la taille ressemblait à celle de la blessure.

— Ooryl n’est pas handicapé.

— Eh bien, moi, oui ! Par l’obscurité et le brouillard. Marche devant ! Je parie que les autres sont partis faire sauter le centre.

— Pas d’alarme ?

Corran hésita. S’il donnait l’alarme, les pilotes se réveilleraient et courraient vers leurs vaisseaux, offrant une excellente occasion aux commandos de les descendre.

— Non. En silence. Approchons du centre par le côté aveugle.

Avançant dans l’obscurité, la carabine-blaster serrée sur sa poitrine, Corran songea qu’il y avait sans doute mieux à faire que partir à deux à la recherche des commandos. Ceux-ci avaient tous les avantages : le nombre, la protection de leurs armures, la vision améliorée de leur casque, les comlinks intégrés signifiant qu’ils pouvaient coordonner leurs efforts.

Corran se vit un instant comme un héros de l’Alliance parce qu’il avait repoussé le raid des soldats impériaux. Puis il se morigéna : la plupart des héros de l’Alliance l’étaient à titre posthume. Cette possibilité ne lui plaisait pas beaucoup, mais il devait admettre qu’elle était la plus logique.

S’il n’avait aucune possibilité de s’en sortir, son but était désormais de s’assurer que ses camarades survivent.

Il trouva une certaine paix intérieure grâce à cette idée.

Ooryl l’arrêta d’une main et montra quelque chose de l’autre. Corran hocha la tête et pointa la carabine-blaster dans la direction indiquée par le Gand. Le Corellien savait que ses chances d’atteindre l’ennemi étaient minimes. Le mieux serait de tirer sur les éclairs de blaster qu’il verrait.

Il entendit un bruit à travers le brouillard. Avançant lentement entre les plantes, il aperçut le Gand, penché sur un commando. Son casque aplati au sommet ne présageant rien de bon pour sa tête.

Ooryl défit les plaques d’armure du mort et les donna à Corran.

— Il te faut aussi un exosquelette, dit-il.

Le pilote humain sourit. Il retira la cartouchière et enfila l’armure.

Elle était bien trop grande pour lui, mais il parvint à l’ajuster en resserrant les sangles. Puis il remit sa cartouchière et prit celle du mort.

Le poids des deux blasters le fit se sentir un peu lent.

Ooryl saisit l’autre carabine-blaster puis se glissa dans la nuit. Corran le suivit. Ils arrivèrent assez vite sur le côté du centre le plus éloigné du complexe principal et firent bon usage du trou que l’ouragan avait percé dans le mur. S’y glissant, ils pénétrèrent dans le bâtiment. Il y avait de la lumière sous la porte du couloir.

Corran pensa que c’était bon signe.

Il montra le rayon lumineux à Ooryl.

— Si les commandos avaient envahi l’aile, ils auraient éteint les lumières, parce qu’ils seraient trop faciles à repérer. La chambre suivante est celle de Gavin et de Shiel. Allons les prévenir.

Le Gand entrouvrit la porte et regarda dans la pièce. Puis il fit signe à Corran d’avancer. Le Gand se dirigea vers le Shistavanen tandis que Corran s’approchait du lit où dormait Gavin.

— Gavin, c’est moi, Corran. Ne fais pas de bruit.

Shiel s’éveilla avec un grognement et renifla l’air. Il s’assit, puis s’accroupit à côté de Corran et du Gand.

— Commandos. Sang.

— Il y a des commandos dans la base. Nous pensons qu’ils la truffent d’explosifs. On en a descendu trois.

Ooryl tendit une carabine-blaster à l’homme-loup.

— Tu sais te servir de ça ?

Shiel eut un rire cynique.

— Les marques de mort ne s’attrapent pas en marchant sous la pluie.

Corran passa un blaster à Gavin.

— Tu sais tirer ?

Le jeune homme hocha la tête.

— J’ignore si je ferai mouche.

— Vise et tire, ça suffira ! (Corran se tourna vers les deux non humains.) Vous voyez dans le noir, et votre couleur vous rend moins faciles à repérer. Je crois que vous devriez sortir et filer vers le hangar. Nous essaierons d’attirer leur attention de l’intérieur. Si vous parvenez à repérer leur vaisseau…

Les lumières du couloir s’éteignirent.

Gavin sortit le blaster de son holster. Le levier de sélection cliqueta.

— Laisse-le sur le réglage mortel, petit, dit Corran. Allez-y, tous les deux.

Corran toucha son médaillon et ouvrit la porte.

Dans le hall, il tira à la volée.

Un commando, touché à la poitrine, fut projeté en arrière contre un de ses camarades. En mourant, l’homme appuya sur la détente de sa carabine-blaster. Corran plongea sur la droite pour éviter les rayons laser. Une lumière rouge jaillit de l’autre côté de la porte. Corran comprit qu’il y avait un troisième commando dans une des chambres. Un des pilotes au moins avait été tué dans son sommeil.

Le troisième soldat sortit de la chambre.

Au même moment, Gavin émergea de la sienne.

— Gavin, attention !

Le jeune homme tira tandis que l’Impérial arrosait le hall.

Corran tira aussi. Gavin s’écroula en gémissant au moment où le commando tombait, coupé en deux par le rayon de Corran.

Les portes des chambres s’ouvrirent.

Le Twi’lek accourut.

— Gavin est blessé. Aide-le. Les Impériaux ont envahi la base.

Nawara Ven le regarda, stupéfait.

— Comment nous ont-ils trouvés ?

— Je l’ignore. Ils ont placé des explosifs partout. Fais sortir tout le monde.

Corran courut vers le hangar, où on tirait également. Le rideau de plastique transparent permit à Corran de voir que Shiel et Ooryl avaient réussi à attirer l’attention des commandos.

Corran sortit un cylindre explosif de sa ceinture, le régla sur cinq secondes et le lança.

Six Impériaux au moins. Bonne affaire !

L’explosion fit des ravages. Corran termina le travail en tirant sur tous ceux qui bougeaient encore.

Ayant décidé qu’il était condamné, le Corellien ignorait la peur. Il considérait la situation avec un détachement qui l’étonna lui-même.

Il aperçut un commando sur la passerelle du hangar. Levant son blaster, il tira. L’homme bascula lentement, effectuant un saut périlleux arrière que Corran trouva incroyablement gracieux.

Il atterrit brutalement, ramenant Corran à la réalité.

Un rayon laser le toucha à la poitrine, l’envoyant bouler dans les ténèbres. Il percuta quelque chose de dur et ressentit une vive douleur à la poitrine. Puis il entendit distinctement un gargouillement.

Une odeur douceâtre se mêla à celle de la chair brûlée. Persuadé qu’il se vidait de son sang, Corran comprit qu’il était en train de mourir.

 

Il revit la veillée funèbre de son père. Chaque ami avait porté un toast au disparu, arrosant son discours de whisky corellien. À l’époque, Corran avait pensé que c’était une digne façon de quitter ce monde.

 

Ramené à la réalité par la douleur, il essaya de soulever sa carabine-blaster, mais il ne sentait plus son poids. Il voulut sortir son blaster et découvrit à cette occasion que son bras droit n’était plus fonctionnel.

Un commando apparut. Corran souhaita de toutes ses forces devenir invisible.

Le soldat le vit quand même.

Corran essaya de se redresser, mais la douleur fulgurante qui lui déchira le côté droit l’en empêcha.

Un poumon hors service…

Le commando braqua sa carabine-blaster sur Corran.

— C’est fini pour toi, ordure rebelle, dit-il.

— Pour toi aussi, petit soldat. (Corran leva la main gauche, le pouce appuyé sur l’extrémité du cylindre explosif tiré de sa ceinture.) Si je meurs, tu sautes avec moi.

— Ça aurait pu marcher, dit l’Impérial. Mais tu le tiens à l’envers.

Un sifflement de laser retentit. Corran se ratatina dans son coin, pensant que c’était une façon peu digne de mourir. Le commando vacilla et tomba sur les genoux, le dos de son armure à demi fondu.

Wedge s’accroupit à côté de Corran.

— Comment vous sentez-vous, Horn ?

— Il me reste un ou deux endroits intacts.

— Accrochez-vous. Les Impériaux s’en vont. Médics !

— Les bombes…

— Je sais. Nous sommes en train de les désamorcer.

— Gavin ? fit Corran en essayant de respirer à fond.

— Mal en point, comme vous. Nous nous préparons à évacuer la base.

— Je vais mourir, fit Corran. J’ai l’impression de sentir du whisky corellien, comme pendant les funérailles de mon père…

— Pas étonnant ! Vous êtes couché dans une flaque de Réserve de Whyren, une des meilleures marques corelliennes.

— D’où sortent ces bouteilles ?

— Je l’ignore. Vous aurez pour mission de le découvrir pendant votre convalescence !

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